| Pressemeldung | Nr. 020b

Déclaration de la Conférence épiscopale allemande à l'occasion du 50e anniversaire de la signature des Traités de Rome

L'Europe: une responsabilité devant Dieu et devant les hommes

(Texte original: Allemand)

«Notre époque semble donc propice à ce que cette idée devienne réalité. ...pourquoi dès lors encore hésiter ? L'objectif est clair, les besoins des peuples sont visibles aux yeux de tous. A quiconque souhaiterait avoir une garantie absolue de ce que l'issue sera heureuse, il faudrait répondre qu'il s'agit certes d'une aventure, mais d'une aventure nécessaire, d'une aventure qui correspond aux possibilités d'aujourd'hui, d'une aventure raisonnable. ...Quiconque réclame une certitude absolue ne fait pas preuve de bonne volonté vis-à-vis de l'Europe.» Passant outre toutes les réserves, c'est par ces mots que le pape Pie XII demandait pour l'Europe, un peu plus de trois ans avant la signature des Traités de Rome, la « naissance d'une union continentale de ses peuples, différents certes les uns des autres, mais liés entre eux par la géographie et par l'histoire ». Comme l'Église l'avait régulièrement fait avant lui et le fit après lui, Pie XII a fermement encouragé, à une époque difficile, tous ceux qui s'engageaient en faveur d'une Europe unie. C'est pour cette raison aussi que l'Église a proclamé Saints Benoît, Cyrille et Méthode, Saintes Catherine de Sienne, Brigitte de Suède et Édith Stein patrons de l'Europe. Il faut penser aussi au pape Jean-Paul II et à sa contribution pour surmonter la division de notre continent.

Depuis la signature des Traités de Rome portant fondation d'une Communauté Économique Européenne et d'une Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM), le processus d'unification de l'Europe a régulièrement connu des atermoiements et des crises. Aujourd'hui aussi, l'unification de l'Europe traverse une phase que beaucoup qualifient de crise. Et pourtant : ces cinquante dernières années ont représenté pour l'Europe une période sans précédent de paix et d'abondance. Il vaut donc la peine, dans ces circonstances, de se remémorer les origines de ce processus d'intégration européenne, de prendre conscience de sa vocation initiale et de reconnaître les défis qui attendent l'Europe.

Rappel de la situation
L'oeuvre d'unification européenne est née au milieu du siècle dernier dans un contexte de ruines et de culpabilité. Du fait de la guerre et de la terreur, des millions de personnes avaient perdu la vie, et avaient connu des souffrances indicibles ou le déracinement.

L'expérience accumulée au fil des siècles, de combats opposants les Européens entre eux, avait atteint un effrayant paroxysme les quelques années que dura la Seconde Guerre Mondiale. Des hommes et des femmes - nombre d'entre eux et d'entre elles motivés par leur foi - ont décidé de contrer cela et ont prôné courageusement, peu après la fin de la guerre, la réconciliation entre les peuples européens, à commencer par la réconciliation entre l'Allemagne et la France. Plus jamais les Européens ne devraient se faire la guerre. Pour empêcher cela, il fallait instaurer des liens étroits entre les peuples, en commençant concrètement par rendre les économies nationales interdépendantes. Cette voie, empruntée de façon particulière par la fondation, il y a cinquante ans, de la Communauté Économique Européenne, fut synonyme d'une extraordinaire réussite pour l'Europe de l'Ouest. Il est encore plus significatif que, grâce aux révolutions survenues peu avant et après 1989, les pays d'Europe centrale et orientale, parvinrent à rejoindre l'Europe qui fut ainsi réunifiée. Aujourd'hui, face aux multiples problèmes pratiques, nous oublions par trop facilement le motif originel de l'unification européenne, malgré le succès d'alors et actuel de ce motif : l'intégration européenne, telle qu'elle a pris corps aujourd'hui en l'Union Européenne, est une puissance qui promeut et garantit la paix comme aucune autre entité dans l'histoire. Que cette puissance était et demeure forte aujourd'hui est une évidence, même si elle n'aura pas pu empêcher que se produise l'irréparable dans une région au coeur de l'Europe : les guerres de l'ancienne Yougoslavie demeurent une blessure ouverte.
Simultanément, on retrouve à l'origine de l'Europe l'expérience vécue de la faute, même si cette dernière n'a pas été reconnue toute de suite mais ne fut admise que peu à peu. Il s'agit de la faute liée à Auschwitz, à ce génocide monstrueux, aux crimes contre l'humanité commis au coeur de l'Europe par l'Allemagne. Ainsi, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale s'appliqua un principe qui vaut encore aujourd'hui : plus jamais Auschwitz. Mais le souvenir commun des peuples européens ne s'est toutefois cristallisé qu'au fil d'un processus qui a pris des décennies, et qui a modifié l'Europe. Le souvenir des Juifs européens assassinés est le critère sur lequel s'appuie l'humanité aujourd'hui retrouvée de notre continent.
Si nous célébrons à présent le cinquantième anniversaire de la signature des Traités de Rome, il faut nous souvenir aussi des motivations qui furent à leur origine. Ces motivations représentent la légitimation première et, comme par le passé, la plus importante de l'unification européenne. Cela a des conséquences concrètes. L'oeuvre d'unification européenne demeurera inachevée tant que tous les États européens qui le souhaitent ne participeront pas à ce qui est le plus important instrument de cohésion du continent : l'Union Européenne. Les États européens et notamment aussi ceux situés à l'Ouest des Balkans peuvent-ils tous devenir membres de l'Union Européenne ? Il ne s'agit pas d'une question relevant d'intérêts politiques quelconques, mais d'une obligation, pour les membres actuels, de tout faire pour qu'ils le deviennent. Il en va de même pour les pays candidats à l'adhésion. Eux aussi doivent se préparer : leur préparation inclut, outre des réformes politiques et économiques, d'accepter l'héritage de leur propre passé, même s'il est douloureux et chargé de culpabilité comme dans les Balkans par exemple.

Les peuples européens veulent pratiquer une façon, différente du passé, de se traiter mutuellement et de traiter les autres : ne plus être les uns contre les autres, mais les uns avec les autres, et surmonter ainsi les frontières existantes. L'Europe n'est plus synonyme d'hostilités héréditaires et de guerres, mais de résolution des conflits et d'évitement des conflits sans recourir aux armes. Telle est la nouvelle Europe ! Dans cette mesure, l'Union Européenne peut constituer une réponse à l'histoire tragique de ce continent. Elle veut l'être et constitue en ce sens l'espoir européen !

Profession de convictions
« La dignité de l'homme est intangible » : c'est par ces mots impossibles à relativiser que commence la Charte européenne des droits fondamentaux. Elle reprend ainsi les fondements constitutionnels qui sont une tradition commune des États européens, et que l'on retrouve en particulier dans notre Loi fondamentale. Il s'y exprime la primauté inaliénable de l'être humain. Toute action sociale et toute action de l'État doit être subordonnée à l'homme. Il est une personne dont la dignité est atteinte lorsque sa liberté est amputée sans justification ou si d'autres hommes attentent à sa vie, à quelque' étape que celle-ci se trouve. Mais il est également porté atteinte à la dignité de l'homme lorsqu'il ne dispose pas du minimum de biens lui permettant de participer à la vie en société, car l'homme n'est pas seulement un individu, il est également un être social. Il dépend des autres, il vit avec les autres et non pas seul.

Cette double description de l'homme s'est exprimée dès le départ dans le processus d'intégration européen engagé après la Seconde Guerre Mondiale : dans la haute estime vouée aux droits de l'homme, aux droits liés à la liberté et aux droits sociaux fondamentaux, concrètement dans le fait de permettre la mobilité géographique tout en protégeant les conditions d'existence et de travail, ou par exemple en étendant la concurrence tout en protégeant cette concurrence contre des distorsions, c'est-à-dire contre l'acquisition par certains concurrents d'une excessive position de force. C'est ce que l'on retrouve déjà dans les Traités de Rome. L'intégration européenne a toujours eu une dimension sociale. Cette dimension demeure une obligation.

Cette double description de l'homme reflète en même temps la conception chrétienne de l'homme, que nous considérons comme crée par Dieu à son image. C'est ce qui a modelé notre continent au fil des siècles et qui s'est exprimé dans sa culture. C'est précisément le fait que la politique européenne soit marquée par cette conception de l'homme, qui est le véritable héritage chrétien de l'Europe; un héritage qui reste vivant aujourd'hui sur notre continent et qui conserve toute son importance pour sa construction à venir. Ceci n'empêche pas d'interroger et de critiquer des mesures politiques concrètes, mais nous permet au contraire de les interpeller, comme par exemple en matière de financement européen de la recherche lorsque celle-ci ne prend pas suffisamment en compte la protection de la vie. Ici, les Églises et chaque chrétien en particulier ont une mission permanente de nature politique et diaconale. Raison pour laquelle il est d'ailleurs bon et nécessaire d'avoir un dialogue régulier entre les Églises et l'Union Européenne.
En célébrant à juste titre l'histoire heureuse et réussie de l'intégration européenne au cours des cinquante années écoulées, nous reconnaissons simultanément cette conception de l'homme qui marque très profondément l'Europe. C'est ce dont nous devrions prendre conscience. Et pour cette raison, il se doit de figurer, dans un texte européen fondamental qui décrit la constitution de l'Union Européenne, tant une charte des droits fondamentaux juridiquement contraignante qu'une référence à l'héritage judéo-chrétien de l'Europe, d'ailleurs historiquement fondée, héritage toujours vivant dans l'Europe d'aujourd'hui.

Responsabilité
« L'Europe est une contribution à un monde meilleur » : c'est ainsi que Jean Monnet, l'un des fondateurs de l'unification européenne, a caractérisé après la Seconde Guerre Mondiale, notre continent uni. Ceci est une chance mais aussi un engagement pris pour l'avenir.

Un engagement interne d'abord : les Traités de Rome énonçaient déjà que le processus communautaire européen avait « pour but essentiel l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de [ses] peuples », donc d'améliorer implicitement l'environnement matériel dans lequel vivent les hommes. Le Marché Commun avec ses quatre libertés fondamentales que sont la libre circulation des biens, des services, des travailleurs et des capitaux a beaucoup contribué à la prospérité et au bien-être des gens. Cette conception a cependant considérablement restreint l'acception du terme « liberté », en le limitant au domaine économique par le démantèlement des règles et des contraintes. La liberté doit pouvoir être expérimentée par tous; les régimes politiques, et aussi l'Union Européenne, doivent contribuer à ce que chacun puisse mener son existence comme il l'entend. C'est pourquoi il faut raviver l'espérance initiale de l'Europe d'instaurer, par le biais d'une collaboration institutionnalisée, un équilibre sain entre un ordre économique libéral et un régime social solidaire. Ce n'est qu'à cette condition que les personnes se soucieront à nouveau du devenir de l'Europe. Les programmes de promotion de l'économie, aussi ambitieux soient-ils, et les comparaisons de l'Europe avec d'autres espaces économiques dans le monde, ne doivent jamais se retourner contre les êtres humains. Cela signifie concrètement que le processus de Lisbonne par exemple, requiert une dimension sociale clairement définie : il est ainsi nécessaire que l'UE prenne mieux en compte, dans toute sa politique, les besoins des familles. Et ceci non pas dans le but d'adapter la vie des familles au monde du travail - comme l'intention en est malheureusement régulièrement formulée dans les débats nationaux sur la compatibilité entre famille et profession - mais de rendre l'économie et le monde du travail plus favorables aux familles. L'Europe doit davantage prendre en compte la famille et mettre les humains au coeur de ses préoccupations. Il y a cinquante ans déjà, les organismes européens constituaient des instruments qui apportaient de la sécurité aux êtres humains à une époque de relations économiques transfrontalières croissantes- il suffit de penser ici au problème des « travailleurs migrants ». Combien plus l'Union Européenne peut-elle donc être aujourd'hui une réponse dans un monde globalisé, où les conditions de vies sont autrement plus incertaines.

Cela signifie donc aussi que l'Europe porte une responsabilité de l'Europe vis-à-vis de l'extérieur, envers le reste du monde : au cours des cinquante dernières années, l'Europe a développé une forme de coopération qui renonce à imposer la loi du plus fort, et qui s'appuie sur la prise en compte des intérêts des petits États européens. Même si les relations de confiance entre États européens ne sont pas encore à l'abri de tensions et qu'il importe de les renforcer, l'Europe représente, par cette coopération, un modèle de résolution des conflits pour de nombreuses parties du monde. Et l'Europe peut proposer à la politique internationale cette forme d'action politique, qui consiste à ne pas uniquement formuler ses propres besoins mais à prendre également en compte ceux d'autrui. Pour y parvenir, l'Europe doit avoir le courage d'une politique étrangère commune. En outre, l'Europe devrait fonder d'authentiques partenariats pour le développement des régions pauvres de la planète, en particulier avec l'Afrique, son continent voisin, et mener une action énergique de lutte contre la pauvreté mondiale de masse. Cette action suppose que l'Union Européenne ouvre en particulier ses marchés aux productions des nations les plus pauvres. La responsabilité de l'Europe envers le monde suppose également la disposition à accueillir dignement les réfugiés et les persécutés, à une époque où les foyers de conflits se multiplient de part le monde. Il est un défi qui dépasse les frontières européennes et qui revêt un caractère véritablement mondial : il s'agit du changement climatique et de la protection de la création dans son ensemble. Ici, il est certain que l'on n'a pas encore trouvé de solutions fiables. Comme il s'est développé en Europe, sans doute plus tôt que sur d'autres continents, une certaine sensibilité face à l'urgence du changement climatique, c'est donc à l'Europe qu'il reviendra d'exploiter toutes les possibilités permettant de protéger le climat, par exemple par une politique énergétique durable, et de défendre sa protection dans des instances internationales comme le G8.

L'histoire de l'unification européenne au cours des cinquante dernières années est l'histoire d'une réussite. Si l'Europe connaît bien son origine et ses fondements, elle jouira aussi de la confiance des Européens. Mais pour qu'elle soit aussi à la hauteur de ses responsabilités à l'avenir, il lui faut une organisation fiable qui lui permette de fonctionner en interne et dans le monde, y compris lorsqu'elle réunira vraiment un jour tous les peuples européens. Raison pour laquelle il est bon que le cinquantième anniversaire de la signature des Traités de Rome soit l'occasion de relancer le processus constitutionnel européen. Nous devons à cet égard être conscients de ce que toute action humaine est limitée et qu'aucune politique n'est absolue en soi. C'est ce que veut clairement mettre en évidence la référence à Dieu dans une constitution. L'Europe a besoin de cette référence. Aux chefs d'État et de gouvernement qui se rassembleront solennellement à Berlin et promulgueront une déclaration commune sur les fondements de l'Union Européenne, nous pouvons aujourd'hui encore adresser ces paroles de Pie XII : « Pourquoi encore hésiter ? L'objectif est clair, les besoins des peuples sont visibles aux yeux de tous. »

Bonn, 15.3.2007

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